Du projecteur aux pavés : Tour d’horizon des festivals de cinéma indépendant en Nièvre et Franche-Comté

30/09/2025

Quand le cinéma indépendant s’invite sur les terres nivernaises…

La Nièvre, c’est parfois la grande absente du grand circuit cinéphile, et c’est précisément pour ça qu’on la remercie. Car ici, la moindre initiative prend une saveur de résistance artistique, loin des salles aseptisées. Mais oui, la Nièvre compte (heureusement) plusieurs festivals qui grattent sous la surface, où courts-métrages pointus, docs sans filtre et premiers films d’auteurs prennent leur temps à l’écran.

Festival Les Écrans de Nevers, la locomotive locale

  • Où ? Nevers et ses salles partenaires (Cinéma Mazarin, cinéma Le Café Charbon, médiathèque Jean Jaurès…)
  • Quand ? Généralement mi-octobre
  • Quoi ? Une programmation soutenue de courts et longs-métrages indépendants, souvent inédits dans la région, avec des focus sur la jeune création, le documentaire engagé, et une ouverture ciblée sur le cinéma européen.

Pour la petite histoire, l’édition 2023 a attiré plus de 1 800 spectateurs sur cinq jours (source : Le Journal du Centre). Des ateliers pour lycéens, des échanges toniques avec des réalisateurs parfois inconnus, mais aussi le prix du public, décerné à une fiction venue... d’Ukraine ! On n’y va pas pour croiser des VIP mais pour sentir monter la température autour du court-métrage local et international. À titiller : la compétition régionale, qui offre un véritable tremplin aux créateurs du coin, à l’image de la réalisatrice Clémence Rigal, lauréate 2022.

Nièvre Court, petite taille et grande gueule

  • Où ? Un festival “décentralisé” : Nevers, Cosne-sur-Loire, Clamecy...
  • Quand ? Premier trimestre, souvent en mars
  • Quoi ? Une compétition de courts-métrages (animation, fiction, docu), un concours pour jeunes créateurs nivernais, projections itinérantes.

Ici, on monte la sono à fond pour les jeunes pousses, pas rare de voir un film fait-main avec trois bouts de scotch à l’affiche. L’édition 2024 a explosé son record avec plus de 120 films inscrits, preuve que la relève ne s’endort pas dans la Nièvre (source : interview des organisateurs sur RCF Nièvre, 2024).

Festival Jean Carmet de Moulins : le cousin inspirant

  • Où ? À Moulins (03), à deux pas, dans une ancienne salle d’Abattoirs reconvertie
  • Quand ? Troisième semaine d’octobre
  • Quoi ? Certes, c’est Allier, mais il jauge tout le bassin Nièvre-Bourbonnais. Sa spécialité ? Les seconds rôles ! C’est le seul festival en France qui met en lumière les actrices et acteurs “de l’ombre”.

Avec plus de 10 000 spectateurs chaque automne, un prix décerné par le public et les lycéens, des hommages à des visages qu’on voit sans connaître les noms… Le festival attire nombre de comédiens et réalisateurs français, dont certains n’hésitent pas à échanger le tapis rouge contre une pizza partagée dans une brasserie du coin (Festival Jean Carmet).

Franche-Comté : cinéma indé et esprit frondeur

Si la Nièvre déploie l’étendard local, la Franche-Comté n’est pas en reste — attention, là-bas le cinéma ne se prend pas trop au sérieux, mais il aligne quelques mastodontes du genre.

Festival International de Cinéma d’Auteur de Belfort – Entrevues

  • Où ? Cinéma Pathé et divers sites, centre de Belfort
  • Quand ? Fin novembre
  • Quoi ? Sélection internationale pointue, résolument indépendante avec une large part faite à la révélation de jeunes auteurs (premiers, deuxièmes et troisièmes films). Moyen : 40 pays représentés chaque année.

C’est le festival “poil-à-gratter” du coin : plus de 13 000 entrées annuelles, un jury de cinéphiles hardcore, et régulièrement des futures stars découvertes... avant tout le monde ! Pour vous donner une idée, Céline Sciamma ou Alain Guiraudie y sont passés avant de cartonner à Cannes (source : site officiel Entrevues Belfort). Anecdote qui tue : chaque année, Entrevues fait parler de lui par le cinéma le plus “gonflé” international, du Brésil à l’Arménie, mais toujours via des projections accessibles, les tickets plafonnant à 6 € la séance.

Festival Diversité de Vesoul – Les cinémas d’Asie

  • Où ? Cinéma Majestic, Vesoul (Haute-Saône)
  • Quand ? Dernière semaine de février
  • Quoi ? Le plus vieux festival en France dédié au cinéma asiatique indépendant. Plus de 70 films en compétition chaque année.

Ça s’appelle “Les cinémas d’Asie de Vesoul”, et c’est l’événement le moins attendu... mais le plus respecté par les initiés ! Des invités venus de Corée, d’Iran, de Birmanie, et des débats marathon après chaque projo. Les accréditations pro n’y coûtent pas un bras (50€ pour 10 jours), et on croise souvent les mêmes fous de cinéma d’une édition sur l’autre. Près de 30 000 spectateurs à la dernière édition (2024) : qui a dit que l’indé n’attirait personne ? (cinemas-asie.com)

Besançon : festival lumière tamisée, engagement affiché

  • Festival Lumières d’Afrique : Focus rare sur les cinémas africains, plus de 80 films et une trentaine de réalisateurs invités chaque année.
  • Festival du Film d’Education : Parce qu’un cinéma indépendant, ce n’est pas seulement l’esthétique, mais aussi le fond : ici, on fait la part belle au documentaire sociétal, à la création jeune public et on cisaille les lieux communs sur l’école ou la transmission.

À Besac, la sélection s’accompagne de forums, de battles de critiques, et même d’un “hackathon” du film éducatif ! Les deux cumulés dépassent allègrement les 12 000 spectateurs annuels (source : MaCommune.info).

Tous ces festivals, mais pour quel public ?

Ce qui marque, c’est l’éclectisme du public : étudiants fauchés, seniors biberonnés à la cinéphilie, assos culturelles en goguette, publics scolaires venus par car entier, parents désemparés devant la programmation jeunesse, réalisateurs aussi discrets qu’habités, et même des touristes “par hasard”.

Contrairement à l’étiquette cliché du festival d’Auteurs réservé à une élite branchée, ici les salles bourdonneraient presque autant pendant les débats que pendant les films. La présence de plus de 25 lycées partenaires à Belfort et Vesoul montre qu’on forme aussi la relève et qu’entre deux baignades dans la Loire ou trois virées dans le Jura, la jeunesse du cru sait se déplacer quand la programmation est bien menée (source : Lycée Condorcet Belfort).

Pourquoi ça vaut le détour ? Anecdotes à la volée

  • L’unique “petite salle” à Clamecy a carrément accueilli une première mondiale d’un documentaire hollandais en 2019… parce que le distributeur connaissait le fromager du coin !
  • Le Festival Écrans de Nevers propose chaque année des battles de critiques lycéens : le public choisit le gagnant en buvant une bière au bar attenant.
  • À Vesoul, des membres du jury ont élu meilleur court-métrage un film tourné… dans la forêt de Tronçais, à 50km de la Nièvre, en dialecte bourbonnais sous-titré français. L’esprit d’ouverture, c’est ça !

Le cinéma indé local face aux défis… et en mode “Do It Yourself”

Ce ne sont pas les difficultés qui manquent : subventions de la DRAC souvent riquiqui (20 à 25 000 € en moyenne pour les festivals nivernais selon les données préfecture de région), galère pour attirer la presse nationale – même France TV ou Télérama daignent rarement pointer le bout de leur micro. Pourtant, ça tient, grâce à :

  • L’engagement des bénévoles, souvent des passionnés qui bossent dans le social ou l’éducation le jour, critiquent des rushes la nuit.
  • L’inventivité des écoles de cinéma locales (la MJC de Nevers, plusieurs BTS audiovisuels autour de Dijon ou Besançon).
  • La fierté d’accueillir quelques “exclus”, comme la venue surprise de Philippe Faucon à Nevers en 2023 (source : Le Journal du Centre).

C’est cette énergie du “fais-le-toi-même” qui irrigue tous ces rendez-vous. Et si la scène régionale n’a ni les moyens ni le blason d’Angoulême ou de Deauville, elle joue à fond la carte de la surprise et de la convivialité… jusqu’à voir certains films primés faire ensuite le tour de la France, ou décoller en festival international (un exemple ? “La Glace à la Fourme”, court-métrage nivernais produit en 2021, exhibé à Clermont-Ferrand la même année).

Pousser la porte : les infos pratiques à connaître

  • Accès : Pas besoin d’accréditation VIP. Tarifs entre 4 et 7€ la séance, de nombreux pass semaine pour étudiants ou familles, prévente en ligne sur les sites des festivals.
  • Programmations : Guettez les réseaux sociaux et les publications papier locales (hebdo JDC, France 3 Bourgogne Franche-Comté, Mag’in France pour les affiches).
  • Bénévolat : Les festivals recrutent toujours des mains. Et on bosse rarement pour rien : places de cinéma gratos, rencontres privées avec les cinéastes et… mention spéciale sur LinkedIn pour les plus actifs !
  • Envie de participer ? Chaque événement local prévoit un concours de films amateurs, y compris ouvert aux collégiens (contact via MJC ou les mairies partenaires).

La scène indé : miroir de la région, tremplin pour demain

Qu’importe si on n’a pas le tapis rouge de la Croisette ou les experts en lunettes noires : les festivals de cinéma indépendant de Nièvre et Franche-Comté montrent à chaque édition qu’on peut bousculer les codes, faire vibrer les salles et souder les communautés. Leur force ? Rassembler derrière le 7e art des publics qui n’avaient sans doute rien en commun – sauf la curiosité.

Et si la prochaine pépite que vous dénicherez à Nevers, à Moulins ou à Belfort devenait demain la révélation du cinéma français ? Ici, personne ne pariera contre. La seule condition : pousser la porte, s’offrir quelques séances… et pourquoi pas, se lancer à son tour caméra à la main.

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